DE MENS TUSSEN PIJN EN WIJSHEID. Het werk van Jean Roulland    
       
                                                                         
 

 

Résumé

L'œuvre de Jean Roulland

Jean Roulland appartient, aux côtés d'Eugène Leroy et d'Eugène Dodeigne, au cercle des grands artistes du nord de la France. Il est né à Croix en 1931, à l'aube d'une période de crise qui a finalement abouti à la Deuxième Guerre mondiale. Les corons où il a grandi, dans une région encore fortement divisée entre grande richesse et semi- ou totale pauvreté, ont maintenant disparu pour la plupart.

Qui a connu Roubaix durant cette période de décadence et d'immigration économique, au milieu du XXe siècle, s'étonnera de la présence à cet endroit de tant de jeunes talents artistiques. La crise a rogné les ailes de cet élan artistique. Le courant baptisé ‘École de Roubaix’ ne manque pas d'artistes qui, à un moment donné, par manque de reconnaissance du public et de soutien financier des pouvoirs publics, se sont retrouvés dans une sorte de vide. L'art n'était en effet pas une priorité dans ce contexte. Les choses ont progressivement changé sous l'impulsion de la Région, mais pour la génération du groupe de Roubaix, ce soutien est arrivé un peu tard.

De 1946 à 1951, Roulland suit des leçons de sculpture à l'École des Beaux-arts de Roubaix avant de trouver un emploi dans une usine à Wattrelos où il travaille, de 1951 à 1960, dans la section céramique. Sa propre activité artistique éclot au début des années 1950: il peint et réalise ses premières sculptures, en plâtre, en terre cuite, etc. Il se contentera de deux expositions individuelles durant cette décennie.

Il est impliqué dès le départ dans les initiatives qui vont conduire à la formation de la fameuse École de Roubaix. En 1952, il expose pour la première fois avec la Société des artistes roubaisiens, dans laquelle Arthur van Hecke œuvre à la promotion de ses contemporains.

En 1953, un décorateur, Louis Parenthou, expose dans son magasin des œuvres d'Eugène Leroy et d'Arthur van Hecke, puis des œuvres de quatre artistes prometteurs: Debock, Delporte, Hémery et Roulland.

En 1954, la galerie Dujardin les expose tous ensemble: c'est le début de l'École. L'inauguration est un grand succès. La galerie décide dès lors de mener une politique visant à présenter tant des noms connus que de jeunes espoirs. Germaine Richier fait partie des noms connus. Il y a une certaine affinité entre son œuvre et celle de Jean Roulland, mais bien plus encore avec celle de sa future épouse, une élève de l'académie de Roubaix, Marie-Christine Remmery.

Les jeunes artistes quittent le Salon des artistes roubaisiens et exposent ailleurs. La galerie Renar surtout attire de jeunes artistes et des collectionneurs. Sa disparition en 1968 sonne le glas des activités du groupe de Roubaix. Les industriels Albert et Anne Prouvost reprennent le flambeau en 1969. Ils transforment une ferme en un centre culturel, qui deviendra la Fondation Septentrion (Marcq-en-Baroeul). Une grande rétrospective du groupe de Roubaix (1946-1986) s'y tiendra en 1987. Le musée de Tourcoing a lui aussi exposé le groupe en 1979 sous le titre ‘Hommes des Flandres’.

Au début des années 1960, Roulland quitte l'usine. Il commence à travailler le bronze et fond lui même ses œuvres. Il n'est pas le seul artiste de cette période à couler lui-même ses sculptures. L'artiste flamand Roel d'Haese (1921-1996) est allé plus loin encore en ne réalisant que des pièces

uniques. Jean Roulland et Roel d'Haese ont un autre point commun. Ils ont à l'époque le même agent à Paris, la Galerie Claude Bernard, qui fait autorité dans le domaine de la ‘nouvelle sculpture’.

Mû par un nouvel élan, l'artiste tente d'approfondir son art. Cela le mène à un séjour de deux ans en Ardèche. Est-ce dans les petites églises ardéchoises que Roulland a découvert la religion, ou plus exactement la figure du Christ? Peut-être est-ce à cette époque qu'est née, dans l'imagination de l'artiste, l'image du Christ abandonné, modèle de l'homme seul, supplicié et perdu. Il ne fait d'autre part aucun doute que Jean Roulland, durant son séjour en Ardèche, a vu le Christ souffrant de la lèpre dans la basilique Saint-Julien à Brioude. Le sculpteur inconnu de cette œuvre est allé très loin dans l'expression de la déchéance et de la souffrance. Dans le riche décor sculptural roman de Saint-Julien, on rencontre aussi à plusieurs reprises le motif de l'homme-oiseau. Roulland relie ce motif dans son œuvre à celui d'Icare, qui cadre mieux avec sa vision personnelle de l'homme. Le fait est que le séjour dans cette région renforce sa conception pessimiste, peu réjouissante de l'humanité.

Roulland est le seul au sein du groupe de Roubaix à s'intéresser à la figure du Christ. Lorsque l'industriel et mécène Philippe Leclercq (1899-1980) décide en 1958 de faire construire la Chapelle Sainte-Thérése de l'Enfant-Jésus et de la Sainte-Face à Hem, il fait d'abord appel à Alfred Manessier, ensuite à l'architecte suisse Herman Bauer et au sculpteur Eugène Dodeigne (pour une statue dans l'église). Par après, il demande à Roulland de réaliser quelques statues, y compris pour l'extérieur (un buste du pape Jean XXIII et un Christ de procession). Cette chapelle est un des principaux bâtiments religieux de l'époque, comparable en France à celle de Vence, avec son décor de Matisse. Cette commande a probablement incité Roulland à poursuivre sa réflexion à propos de la religion.

Les impressions religieuses de l'artiste se matérialisent à un moment donné dans une série de bronzes monumentaux ayant pour thème le Christ souffrant. Ces œuvres de grande envergure, techniquement fragiles, traduisent la souffrance comme message fondamental, sans qu'il s'agisse de

propagande religieuse. Le relief (en bronze) friable est exempt du moindre charme dont la peau peut rayonner. La sculpture n'a dès lors pas vraiment été conçue à partir d'une structure intérieure solide, mais correspond plutôt à l'attention que les Primitifs flamands accordaient à la peau. Ces statues du Christ se situent dans différentes traditions. Il y a celle du sculpteur du XVe siècle à Brioude, à côté des figures provocantes du Christ de Rops et d'Ensor, par exemple, et la vision angoissante de l'existence humaine, qui s'est répandue surtout durant la guerre froide en Europe occidentale.

Roulland s'intéresse aussi à la vie de l'Église. Il a ainsi pu réaliser les statues de deux figures peu ordinaires dans l'Église française: le cardinal Liénart et le curé Lemire. En 1984, la ville de Lille lui commande une statue du cardinal Achille Liénart (1884-1973). Roulland réalise un portrait de

Liénart assez ressemblant pour ce qui est des traits du visage, mais l'expression traduit l'inquiétude et le désespoir. Puis vient le portrait du curé Jules Auguste Lemire (1853-1928). Ce prêtre du nord de la France réussit à faire approuver plusieurs lois sociales au Parlement français. On perçoit clairement où se situe l'intérêt de l'artiste.

Le ricanement et le sourire ne sont jamais fort éloignés l'un de l'autre dans son œuvre. Dans ses dessins et ses pastels (il y a peu de tableaux) apparaissent d'autres motifs, esquissés avec précision et liberté, qui n'ont pas cette charge idéologique pesante, et parfois même un peu d'humour.

Roulland jette pour ainsi dire un pont entre l'angoisse inhérente à la guerre froide et la conscience contemporaine qu'il y a beaucoup de frontières au sentiment de liberté. Il pratique une technique du bronze qui lui est propre, qui reflète d'une manière immédiate l'expressivité spontanée de l'argile, du plâtre ou de la cire. Il est resté figuratif, ce qui aujourd'hui n'est plus un obstacle, mais plutôt une recommandation à mieux apprendre à connaître son œuvre.

(Résumé par Joost de Geest et traduit du néerlandais par Marielle Goffard)

   
       
       
       
       
       
       
       
 

     
 

 

 

 

 

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